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Les éponges de la zone intertidale des côtes rocheuses de Charente-Maritime

Une contribution à la biodiversité locale

Bienvenue sur le site de Christophe Lagrange - chlagrang@orange.fr - mai 2015

 

 Les côtes de Charente-Maritime sont situées en France entre les estuaires de la Gironde et de la Loire (Figure 1). Cette situation géographique au niveau du 46ème parallèle est responsable de conditions climatiques tempérées et la localisation littorale assure une influence océanique des températures et des précipitations. Les côtes rocheuses y représentent 20 % du littoral, soit 88 Km sur les 440 Km que compte sa façade maritime (IFEN, 1997). La zone intertidale y est soumise au phénomène des marées atlantiques avec un double cycle journalier, une variation mensuelle d’origine lunaire et des cycles saisonniers dus à la position de la Terre par rapport au soleil. Les marnages peuvent atteindre 6 mètres 50 au moment des équinoxes (côtes à marées de type macrotidale).

 

côtes de Charente Maritime 

 

Figure 1 : Situation géographique des côtes de Charente Maritime et de la mer des Pertuis Charentais (en encart) dans le golfe de Gascogne de la côte occidentale française (d’après Borja & Collins, 2009)

 

 La contribution à l’inventaire de la faune benthique des Pertuis Charentais (France), réalisée par Montaudouin (de) et Sauriau en 2000 a montré que dans les études antérieures des phylums zoologiques entiers ont été négligés et en particulier celui des éponges (ou Porifera Grant, 1836).

 Les éponges sont considérées comme appartenant à un groupe zoologique difficile à déterminer et par conséquent, faiblement inventorié dans beaucoup de régions du monde. La diversité totale des éponges dans le monde est estimée à environ 15000 espèces, parmi lesquelles 7000 environ ont été identifiées par des spécialistes (Fromont et al., 2002 ; Hooper et al., 2006). Dans les eaux marines de l'Atlantique nord, 337 espèces d'éponge ont été décrites (van Soest et al., 2000) alors que dans les eaux de la mer des Pertuis Charentais 19 espèces d'éponges ont été répertoriées depuis le XVIIIème siècle jusqu'à l'an 2000 (Montaudouin (de) & Sauriau, 2000).

 Nos échantillonnages, réalisé entre 2001 et 2011, ont été réalisés sur les côtes rocheuses de la zone intertidale lors de la marée basse (Figure 2). Nous présentons ici 23 espèces dont 12 ont déjà été reconnues dans la mer des Pertuis Charentais et 11 sont nouvelles.

 

Mer des Pertuis Charentais 

 

Figure 2 : Mer des Pertuis Charentais avec les principaux sites rocheux échantillonnés de 2001 à 2011 dans la zone intertidale des côtes de Charente Maritime (radiales 1 à 12 et encadré de la baie de La Rochelle). Les radiales sont des lignes perpendiculaires au trait de côte qui commencent au rivage et s'étendent jusqu'à la frange infralittorale.

 

 Les éponges sont parmi les plus anciens organismes pluricellulaires encore vivants sur notre planète (Hooper et al., 2002). Les fossiles d'éponges les plus anciens remontent à la fin du Précambrien (700 millions d'années environ). A partir de l'ère Primaire, elles ont contribué à la formation de constructions récifales, jusqu'à la fin de l'ère Secondaire (UCMP, 2015). Depuis le début de l'ère Tertiaire (65 millions d'années), trois classes d'éponges subsistent :

- les Demospongiae ou "éponges siliceuses" qui représentent 95 % des espèces actuelles (20 espèces sur les 23 présentées sur ce site). Elles possèdent généralement des spicules siliceux et des fibres de spongine.

- les Calcarea ou "éponges calcaires" ont des spicules de nature calcaire. Elles sont principalement distribuées en zone côtières (3 espèces sur les 23 espèces communes des côtes Charentaises).

- les Hexactinellida ou "éponges de verre", nommées ainsi à cause de la finesse de leur réseau de spicules. Leurs spicules sont siliceux avec six rayons (UCMP, 2015). À notre époque, on les observe surtout à grande profondeur et dans les régions polaires.

 

  Aujourd'hui, les éponges sont l'objet de recherches intenses en raison de nombreuses molécules originales d'intérêt médical qu'elles renferment. Dans les années 1950, des antiviraux ont pu être extrait d'une éponge des Caraïbes (Bergmann & Feeney, 1951). Une dizaine d'année plus tard, la synthèse d'un anticancéreux (ARA-C) actif contre les leucémies lymphoïdes aiguës et d'un antiviral (ARA-A) actif contre l'Herpès virus a été possible (Thakur & Müller, 2004). Une autre molécule anticancéreuse (l'halichondrine B) découverte dans plusieurs espèces d'éponge a fait l'objet d'un développement préclinique en Nouvelle-Zélande. D'autres chercheurs ont isolé dans une éponge des îles Seychelles une substance aux propriétés antifongiques pour traiter certaines maladies opportunistes provoquées par le SIDA. La première production avec succès d'un métabolite secondaire d'éponge dans un bioréacteur a fournit l'avarol, un antiviral, antitumorale et anti-inflammatoire potentiel (Müller et al., 2000).

 

  De par leur capacité à filtrer de grandes quantités d'eau de mer (environ 432 L par éponge et par 24 heures), à résister aux agents infectieux variés des mers depuis des centaines de millions d'années, à accumuler et à résister à différents polluants, les éponges (encore méconnues pour un grand nombre de personnes), pourraient apporter beaucoup à l'humanité, comme les autres espèces vivantes des différents phylums de la biodiversité marine (Séguignes & Lagrange, 2010).

 

Remerciements :

 Je voudrais remercier mon maître de stage, Michel Séguignes pour son encadrement et son aide précieuse dans l'échantillonnage de la biodiversité des côtes rocheuses de Charente-Maritime , ainsi que l'Université de La Rochelle et l'Institut du Littoral (ILE) de Charente-Maritime qui m'ont donné accès à leur loupe binoculaire Leika DMIRB pour l'identification et l'acquisition d'images de spicules d'éponges avec leur appareil photo Olympus.

 

Références bibliographiques :

Anonymes : http://www.ucmp.berkeley.edu/porifera/porifera.html in 23/07/2015.

Bergmann, W. & Feeney, R. J., (1951) J. Org. Chem., 16,pp. 981-987.

Borja, A. & Collins, M., (2009) Regional Seas integrative studies, as a basis for an ecosystem-based approach to management: The case of the Bay of Biscay, Continental Shelf Research, 29, (8),pp. 951-956.

Fromont, J., Vanderklift, M. A. & Kendrick, G. A., (2006) Marine sponges of the Dampier Archipelago, Western Australia: Patterns of species distributions, abundance and diversity, Biodiversity and Conservation, 15, (11),pp. 3731-3750.

Hooper, J. N. A., Kennedy, J. A. & Quinn, R. J., (2002) Biodiversity 'hotspots', patterns of richness and endemism, and taxonomic affinities of tropical Australian sponges (Porifera), Biodiversity and Conservation, 11, (5),pp. 851-885

Hooper, J. N. A., van Soest, R. & Willenz, P., (2002) Systema Porifera: a Guide to the Classification of Sponges,vol. 1 Introductions and Demospongiae, Kluwer Academic/ Plenum publishers, New York.

IFEN, (1997) “L'environnement littoral et marin”, Collection Etudes et travaux, n°16 pp.116.

Montaudouin (de), X. & Sauriau, P.-G., (2000) Contribution to a synopsis of marine species richness in the Pertuis Charentais Sea with new insights in soft-bottom macrofauna of the Marennes-Oléron Bay, Cah. Bio. Mar., 41,pp. 181-222.

Müller, W. E. G., Böhm, M., Batel, R., De Rosa, S., Tommonaro, G., Müller, G. & Shröder, H. C., (2000) J. Nat. Prod., 63,pp. 1077-1081.

Séguignes, M. G. & Lagrange, C., (2010) Prise en compte des études de la biodiversité intertidale dans une approche de développement durable, liris.cnrs.fr/cnriut10/actes/articles.

Thakur, N. L. & Müller, W. E. G., (2004) Biotechnological potential of marine sponges, Current Science, 86, (11),pp. 1506-1512.

van Soest, R. W. M., Picton, B. E. & Morrow, C., (2000) Sponges of the North East Atlantic, in World Biodiversity Database CD-ROM Series, Windows/Mac version 1.0. ( ETI, University of Amsterdam: Amsterdam).

 

Date de dernière mise à jour : 05/06/2021

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